Dans un marché de l’emploi difficile, le portage salarial permet aux cadres seniors de rester en activité et de capitaliser sur leur expérience en réalisant des missions en toute autonomie, tout en bénéficiant de la protection sociale du salariat. Le porté peut ainsi sécuriser sa situation en continuant à cotiser au chômage et aux mêmes caisses de retraite. En déléguant toute la gestion administrative de son activité d’indépendant à la société de portage, il peut se consacrer pleinement à ses missions. Une alternative consiste à opter pour le portage entrepreneurial, qui offre la même protection sociale à l’exception du chômage.
Le portage salarial est né au milieu des années 1980 à l’initiative de seniors actifs souhaitant réaliser des missions alors qu’ils étaient en recherche d’emploi. Plus de trente ans plus tard, est-ce toujours un statut adapté au cadre senior indépendant ? “Il comporte énormément de points positifs”, répond sans détour Daniel Pardo, fondateur et dirigeant de Flexi-Entrepreneur, société de portage spécialisée dans le management de transition. “Si l’on part du constat qu’un senior, c’est-à-dire quelqu’un de plus de 50 ans, reste 683 jours au chômage en moyenne, le principal avantage est de pouvoir retrouver une activité. Face à une entreprise qui aura peut-être peur d’embaucher, le portage salarial permet de rentrer par la fenêtre avec un contrat de prestation de services pour une mission”, dit-il.
“Passé la cinquantaine, il est beaucoup plus facile de trouver un client qu’un employeur. Une entreprise peut avoir besoin de l’expertise d’une personne expérimentée sans forcément avoir la possibilité de lui proposer une collaboration sur le long terme. Ces freins sont réels et je ne pense pas qu’ils disparaîtront au cours des prochaines années”, observe également Radhia Amirat, directrice générale d’ITG, entreprise de portage créée en 1996. Autre avantage du portage salarial pour un cadre habitué à travailler dans de grandes entreprises : pouvoir y accéder plus facilement. “Pour les seniors experts qui visent les grands comptes, c’est plus facile de venir avec la carte de visite d’une société bien installée qu’en tant qu’indépendant, estime Radhia Amirat. C’est très facilitateur pour le business.”
“Une entreprise peut avoir besoin de l’expertise d’une personne expérimentée sans forcément avoir la possibilité de lui proposer une collaboration sur le long terme”
Opter pour le portage salarial plutôt que pour la création de sa propre entreprise permet “d’exercer une activité d’indépendant tout en bénéficiant de la protection sociale du salariat, explique Guillaume Cairou, président-fondateur de Didaxis, société de portage fondée en 2004. Le portage salarial est une passerelle entre les deux mondes.” Le porté a les mêmes avantages qu’un salarié : “il cotise au régime général pour la retraite, il a la prévoyance en cas de décès ou d’invalidité et une mutuelle, détaille Daniel Pardo. Il a aussi le droit au chômage, ce qui représente un vrai filet de sécurité si la mission se passe mal et s’arrête ou bien quand elle est terminée.”
Accompagnement et continuité des prestations sociales
Pour un cadre senior, bénéficier de la protection sociale du salariat est particulièrement important dans la perspective de la retraite. “Quand on a été salarié jusqu’à ses 50 ans, pouvoir continuer à cotiser aux mêmes caisses de retraite et de prévoyance permet de sécuriser sa retraite, souligne Radhia Amirat. Si l’on crée une entreprise, on change de régime, sauf dans le cas du président de SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle). Finir sa carrière en tant que salarié et obtenir une retraite à taux plein parce qu’on est resté sur le même régime est un vrai avantage. C’est pour ça que les seniors sont très nombreux en portage.”
Le portage salarial permet aussi au cadre senior d’être déchargé de toute la gestion administrative de son activité d’indépendant. C’est la société de portage qui facture ses clients, calcule et paie ses cotisations, et émet son bulletin de salaire. “Nos portés n’ont quasiment pas de démarches administratives à faire, ce qui leur permet de se concentrer exclusivement sur le développement de leur activité”, signale Radhia Amirat. “Chez nous, tous les contrats sont dématérialisés et dotés de signature électronique. Le porté peut démarrer très rapidement sa mission. Il doit simplement déclarer le nombre de jours travaillés chaque mois”, indique Daniel Pardo.
“Quand on a été salarié jusqu’à ses 50 ans, pouvoir continuer à cotiser aux mêmes caisses de retraite et de prévoyance permet de sécuriser sa retraite”
Être porté permet aussi “d’être accompagné, de bénéficier de formations et de la dynamique d’un réseau”, ajoute Guillaume Cairou, qui est également président de la Fédération des entreprises de portage salarial (FEPS). “Nous offrons à nos consultants une journée de formation pour les aider à changer de posture, à passer de celle de demandeur d’emploi à celle de porteur d’une offre”, indique Radhia Amirat. La société de portage peut aussi appuyer ses portés dans les négociations avec leurs clients. “Ce n’est pas toujours évident de savoir combien facturer. C’est un énorme avantage de passer par une société de portage qui a l’expérience de ce type de mission et sait quelles sont les clauses à intégrer en matière d’avance ou de délai de paiement par exemple”, estime Daniel Pardo.
Tous ces avantages expliquent que les cadres seniors sont toujours majoritaires dans les entreprises de portage, même si un rajeunissement est notable. Chez ITG, la moyenne d’âge est de 50 ans. Chez Didaxis, elle est de 46 ans, contre 54 ans il y a dix ans. Ces acteurs historiques du portage observent une autre évolution. “Un tiers de nos consultants sont chez nous depuis une dizaine d’années. Ce dispositif qui était historiquement dédié aux transitions professionnelles devient donc un véritable outil de travail, note Guillaume Cairou. Aujourd’hui, le cadre senior a envie de travailler différemment.” Autrement dit, le portage salarial devient de plus en plus un vrai choix : celui de l’autonomie.
Portage entrepreneurial, la simplification administrative
Pour ceux qui veulent encore plus d’indépendance, il y a une alternative. “Le portage salarial n’est pas la seule solution pour les cadres seniors. Il existe aussi le portage entrepreneurial, qui offre des avantages financiers non négligeables et la même couverture sociale, à l’exception du chômage”, explique Josette Londé, présidente de l’Union nationale des entreprises de portage spécialisées (Uneps). L’entrepreneur porté se trouve dans “la même situation qu’un président de SASU : il reçoit son chiffre d’affaires avec un bulletin de salaire et bénéficie du régime général de la Sécurité sociale, mais ne cotise pas au chômage”, détaille-t-elle. Dans ce cas de figure, l’indépendant signe directement ses contrats avec ses clients, sans intervention de la société de portage, et signe un contrat de mandat avec cette dernière afin de lui donner autorité pour faire la gestion administrative de son activité. “C’est uniquement une simplification administrative”, résume Josette Londé.
“Le portage entrepreneurial, qui offre des avantages financiers non négligeables et la même couverture sociale, à l’exception du chômage”
Selon elle, le portage entrepreneurial convient tout particulièrement à ceux qui ne souhaitent pas être obligés de faire un chiffre d’affaires minimum comme dans le portage salarial (rémunération minimale entre 70 % et 85 % du plafond de la Sécurité sociale selon les cas). “Le portage entrepreneurial leur permet de fonctionner à leur rythme, d’avoir une montée en puissance progressive et de ne pas avoir de compte à rendre”, souligne la présidente de l’Uneps. Par ailleurs, “au-delà de 50 000 euros de chiffre d’affaires, le portage entrepreneurial est plus avantageux financièrement que le portage salarial grâce à une exonération de charges sociales dans le cadre du statut d’indépendant-associé”, précise-t-elle. Le choix du statut dépend des objectifs de chacun.
Comment choisir sa société de portage ?
Suite à la création de la branche professionnelle du portage en décembre 2016, la convention collective des salariés en portage salarial a été signée le 21 mars 2017 et s’applique depuis le 1er juillet 2017. Elle prévoit un certain nombre d’obligations légales pour les entreprises de portage : avoir une activité exclusivement dédiée au portage salarial, établir un CDD ou un CDI au salarié porté et accomplir les formalités et les déclarations sociales nécessaires, réaliser un accompagnement du porté pour lui permettre de développer ses prestations, mettre en place et gérer un compte d’activité pour chaque salarié porté, souscrire pour le compte du salarié porté une assurance responsabilité civile professionnelle, souscrire une garantie financière auprès d’un établissement habilité afin de garantir le paiement des sommes dues au salarié porté ainsi que le versement des cotisations sociales en cas de défaillance de l’entreprise, et contribuer à un fonds mutualisé à hauteur de 1,6 % de la masse salariale afin de financer les périodes de formation et d’intermissions, liste Carine Sfez dans son ouvrage ‘Créer son entreprise’ (Prat Editions, 2017).
Le portage salarial est “un marché en plein développement. Il faut absolument s’assurer de la santé financière de la société de portage”, insiste de son côté Radhia Amirat, directrice d’ITG. Il est aussi important de comparer les frais de gestion, qui peuvent varier de 5 % à 15 % du chiffre d’affaires hors taxe. “Attention aux frais cachés”, prévient d’ailleurs Daniel Pardo, fondateur et dirigeant de Flexi-Entrepreneur, qui conseille de comparer plutôt le pourcentage de la rémunération nette par rapport à la facturation hors taxe. Enfin, Guillaume Cairou, président-fondateur de Didaxis, conseille de vérifier que la société de portage est membre d’un syndicat du secteur et de se fier à la recommandation d’un porté. “C’est la meilleure garantie d’une bonne qualité de services”, estime-t-il.
La formule de la coopérative d’activités et d’emploi (CAE)
Les sociétés de portage salarial et les coopératives d’activités et d’emploi (CAE) présentent des similitudes, mais aussi des différences. La coopérative, constituée sous forme de Scop, accompagne et soutient les porteurs de projets en leur offrant un statut d’entrepreneur salarié, ce qui leur permet de percevoir un salaire et de bénéficier de la couverture sociale d’un salarié classique, dont le chômage. “Au-delà de cet accompagnement, les CAE offrent aussi aux entrepreneurs salariés un back-office de services de comptabilité, de gestion et juridiques moyennant 10 % de leur marge brute”, explique Stéphane Bossuet, président du réseau Coopérer pour entreprendre, qui réunit 75 CAE sur tout le territoire français. “La grande différence avec le portage salarial réside dans le fait qu’au bout de trois ans maximum, les entrepreneurs salariés sont appelés à devenir coopérateurs, c’est-à-dire sociétaires de la coopérative dans laquelle ils sont hébergés, et donc à prendre des décisions pour cette société”, indique Stéphane Bossuet.
Si l’entrepreneur salarié ne devient pas associé avant ce délai, le contrat prend fin. “Nous accomplissons une mission d’intérêt général en étant ni sélectifs, ni discriminants dans l’accueil des porteurs de projets, souligne le président de Coopérer pour entreprendre. Nous affirmons cette mission d’intérêt général avec des partenaires publics de l’emploi et de la création d’entreprise qui soutiennent les CAE.” Les coopératives ont ainsi dans leur comité de pilotage des représentants des pouvoirs publics, des collectivités locales et des organismes sociaux. Enfin, alors que les entreprises de portage sont limitées aux prestations de services type conseil et formation, les coopératives concernent une plus large pallette de secteurs d’activité : l’art et l’artisanat d’art, les services aux particuliers, les services aux entreprises, le bâtiment, le commerce et le négoce, à l’exception des activités réglementées ou nécessitant un bail commercial.
En France, 6,5 millions d’actifs, soit 23 % d’entre eux, sont prêts à se lancer dans une activité indépendante pour obtenir des revenus complémentaires. De plus, 50 % des actifs seraient prêts à se lancer dans une activité indépendante s’ils pouvaient bénéficier d’un droit à l’assurance chômage.
Source : Étude IFOP pour FEPS : les Français et le travail indépendant – 2017